Ce mardi 30 avril, s'est clôturé la quatrième réunion du Comité intergouvernemental de négociation (CIN) chargé d'élaborer un instrument international juridiquement contraignant pour mettre un terme à la pollution plastique. Réunis à Ottawa (Canada), quelque 170 États ont pu aborder le fond du sujet. Les stratégies dilatoires ont laissé place à un affrontement d'idées qui permet de clarifier les positions de chacun. Mais ces progrès mettent aussi en lumière l'ampleur de la tâche qui reste à accomplir pour parvenir à un accord d'ici à la fin de l'année.
Ces résultats répondent à une des priorités de la session canadienne : regagner le temps perdu lors des premières sessions de négociations à Punta del Este (Uruguay) en novembre 2022, à Paris en mai 2023 et à Nairobi (Kenya) en novembre 2023. L'objectif : être en mesure de finaliser le texte du futur accord à Busan (Corée du Sud) du 25 novembre au 2 décembre prochains. Cela, conformément au mandat adopté lors de l'Assemblée des Nations unies pour l'environnement de mars 2022 qui prévoyait d'aboutir à un accord fin 2024.
Des positions émergent
« Le temps joue contre nous », alertait, avant la session, Inger Andersen, directrice exécutive du Programme des Nations unies pour l'environnement (Pnue). Le message a, semble-t-il, été entendu. Dès l'ouverture, les « délégués étaient bien préparés », rapporte l'Earth Negociations Bulletin (ENB), rappelant les consultations régionales et la réunion ministérielle préalables qui avaient lancé les discussions. Un point confirmé par l'entourage de Christophe Béchu. Mais la tâche à accomplir s'annonçait particulièrement lourde et les négociateurs ont dû jouer les prolongations et achever les négociations le 30 avril autour de 3 heures du matin, heure locale.
Surtout, à Ottawa, les débats ont changé de nature. Les pays opposés à un accord ont cessé leur stratégie d'obstruction. Désormais, explique le ministère de la Transition écologique, ils tentent de diluer et de complexifier les dispositions qui leur déplaisent pour limiter la portée du texte. Pour autant, « nous entendons enfin ce que veulent réellement les autres États et comment combler ces écarts, expliquait un délégué à l'ENB, et c'est un événement ! ». Ça permet de voir émerger des positions et d'y voir plus clair, se félicite aussi la délégation française.
La production de polymères primaires mise en débat
Sur le fond, deux sujets sortent du lot. Le premier est le périmètre du futur accord. La résolution onusienne à l'origine des négociations avait acté le principe d'un accord abordant l'ensemble du cycle de vie du plastique.
Le G7 évoque une réduction de la production
Les ministres de l'Environnement du G7 viennent d'adopter une déclaration jugée « très positive » par la délégation française. « Nous nous engageons à prendre des mesures ambitieuses tout au long du cycle de vie complet des plastiques pour mettre fin à la pollution plastique », annoncent les membres, qui « [appellent] la communauté mondiale à faire de même, avec l'aspiration de réduire et, le cas échéant, de restreindre la production et la consommation mondiales de polymères plastiques primaires ».
Quant à savoir dans quelle proportion il faudrait limiter la production de plastique vierge, peu de chiffres sont avancés, en dehors de la proposition portée par le Rwanda et le Pérou : - 40 % entre 2025 et 2040. Une proposition « intéressante [et] très alignée avec ce que nous poussons en tant que Français », explique l'entourage de Christophe Béchu. Mais, pour l'instant, cette position fait encore l'objet de débats au sein des Vngt-Sept.
Le débat sur les financements reste entier
Autre sujet de discorde : le financement de la lutte contre la pollution. Le sujet est, bien sûr, lié au précédent, puisqu'inclure l'amont du cycle, c'est aussi répartir les efforts à fournir sur plus d'acteurs. Mais ce sont surtout les sources de financement, en particulier à destination des pays en développement, qui cristallisent les débats. Faut-il créer un nouveau fonds, recourir au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), s'appuyer sur des financements privés ? Quelle place peuvent tenir les dispositifs de responsabilité élargie des producteurs (REP) ?
L'une des difficultés de la discussion est la responsabilité partagée de tous les pays dans la pollution plastique qui rebat l'approche traditionnelle d'un financement depuis les pays développés vers les pays en développement. L'industrie du plastique pourrait aussi financer la lutte, mais elle avance que la pollution est générée loin de ses usines par une mauvaise gestion des déchets.
Pour l'instant, les pays en développement défendent l'idée d'un nouveau fonds ad hoc. L'Union européenne préfère évoquer un mécanisme qui financerait des mesures et des objectifs concrets. Les États-Unis, pour leur part, semblent plus ouverts à la création d'un fonds. Mais dans les faits, en dehors de la proposition ghanéenne, il n'y a pas beaucoup d'options concrètes sur la table, résume la délégation française. En l'occurrence, le Ghana veut taxer les polymères vierges pour financer la lutte.
Un texte raccourci
Concrètement, les négociateurs devaient aboutir à un texte aussi proche que possible de l'accord final. À l'issue des négociations, ils repartent avec un projet de traité consolidé, simplifié et partiellement renégocié ligne par ligne. Mais ils ne sont pas parvenus à restreindre le nombre des options pour ne conserver que les points les plus politiques, explique l'entourage du ministre de la Transition écologique. Il reste encore probablement trop d'options, ce qui promet un travail compliqué à Busan.
Les négociateurs devaient aussi décider du travail intersessions, c'est-à-dire de travaux à mener d'ici la session officielle de Busan. C'est enfin chose faite. Deux groupes d'experts se réuniront, probablement en août, avant la session sud-coréenne. À chaque fois, l'objectif est d'aboutir à des propositions opérationnelles qui pourront être discutées en Corée.
Le premier groupe planchera sur les moyens de mise en œuvre du futur accord, notamment sur les moyens financiers. Le second traitera des mesures contraignantes, avec au programme les éventuelles réductions, voire interdictions, de substances préoccupantes et de plastiques problématiques et évitables. À cela, s'ajoutera un groupe de travail juridique qui sera chargé d'assurer la cohérence du futur texte. Il commencera ses travaux fin novembre à l'ouverture des négociations à Busan. Cette ultime session de négociation devra d'ailleurs nommer en ouverture les coprésidents de ce groupe, ce qui pourrait donner lieu à des débats houleux.