Les travaux préparatoires autour de la planification écologique et de la loi de programmation Énergie et climat ont souligné la « nécessité de pousser tous les curseurs au maximum, nucléaire ET renouvelables », face aux enjeux climatiques et à l'électrification massive des usages. Si aucun chiffre n'est encore inscrit dans le marbre, le président de la République a d'ores et déjà annoncé à plusieurs reprises les grands objectifs pour les ENR : 100 gigawatts (GW) de photovoltaïque et 40 GW d'éolien en mer d'ici à 2050. En 2023, deux lois ont été adoptées pour faciliter cette accélération dans les énergies décarbonées. En parallèle, l'Union européenne a adapté son arsenal législatif pour amplifier le rythme d'installation des renouvelables.
La France dans le quatuor de tête européen
A la mi-juin, l'éolien représentait 22,5 GW de puissance installée en France, dont 1 GW d'éolien en mer, selon les statistiques du ministère de la Transition énergétique. En un semestre, un gigawatt a été raccordé. Mais ce chiffre est gonflé par le raccordement du second parc offshore, celui de Saint-Brieuc (496 MW). Sans cela, il reste dans la tendance de ces dernières années. Résultat : les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) ne devraient pas être atteints. Celle-ci tablait sur 24,1 GW de terrestre et 2,4 GW d'offshore d'ici à la fin 2023.
La France se situe néanmoins dans le peloton de tête des champions européens. L'Allemagne comptait 66,2 GW d'éolien installés fin 2022 (dont 8 GW d'offshore), l'Espagne 29 GW (dont 5 GW d'éoliennes en mer) et la Suède 14,6 GW, selon les chiffres de WindEurope. Tous doivent encore accélérer pour parvenir au nouvel objectif fixé à l'échelle européenne : 45 % de renouvelables en 2030, ce qui revient à quasiment doubler la capacité actuelle installée. Selon WindEurope, cela se traduirait par l'ajout de 31 gigawatts d'éolien par an en moyenne, dont 74 % de terrestre.
Des giga appels d'offres sur l'éolien en mer
Ces derniers mois, la France a planché sur ses documents de planification énergétique et les moyens d'atteindre cette accélération. Une grosse part pèse sur l'éolien en mer. Sur les 40 GW d'offshore annoncés d'ici à 2050, 8 GW sont déjà dans les tuyaux d'ici à l'horizon 2031, en phase de construction, de développement ou d'attribution.
Pour accélérer le rythme de construction des projets, l'objectif de l'exécutif repose avant tout sur une réduction des délais d'attribution des projets, de quatre ans en moyenne… En juin dernier, des travaux de concertation ont été lancés pour identifier des zones d'installation par façade maritime. Ceux-ci devront établir une carte des zones prioritaires pour l'éolien en mer à l'horizon de dix ans, mais aussi d'ici à 2050, en priorité dans les zones économiques exclusives (ZEE) et hors parcs nationaux. Des débats publics seront lancés cet automne afin de préciser les surfaces identifiées et publier un premier document en 2024.
Le Gouvernement envisage ensuite de lancer des appels d'offres multigigawatts et multifaçades pour accélérer la cadence d'attribution et tenir les calendriers. Le groupe de travail planchant sur la future stratégie climat préconise de lancer un appel d'offres de 8 à 10 GW d'ici à la fin de 2025. Le cadre législatif a été simplifié pour pouvoir anticiper les études et les raccordements, limiter les contentieux, et enfin créer des débats publics communs à plusieurs projets.
Reste que des contraintes perdurent, notamment militaires, afin de libérer plus de zones à proximité des côtes et d'élargir les périmètres d'implantation des éoliennes en mer. Car l'éolien en mer posé, largement compétitif aujourd'hui (46 euros le mégawattheure), devrait représenter l'essentiel des futures capacités installées, l'éolien flottant peinant à réduire ses coûts.
Éolien terrestre : des zones d'accélération d'ici à 2024
Le Gouvernement mise également sur l'éolien terrestre qui, un temps, a semblé être délaissé. Le rythme d'installation visé est de 1,2 à 1,9 GW par an, contre 1,2 GW par an en moyenne aujourd'hui. Pas de franche accélération donc, mais le curseur pourrait être poussé à 2,5 GW annuels au-delà de 2035, ont souligné les travaux de planification écologique, en tablant notamment sur des machines plus puissantes à cet horizon.
Pour maintenir ce rythme, reste à travailler sur l'acceptabilité des projets et à mieux équilibrer la production sur le territoire. Aujourd'hui, deux régions (Hauts-de-France et Grand Est) comptent, à elles seules, la moitié de la puissance installée en France. Pour élargir les zones d'implantation, les contraintes liées aux installations météorologiques, militaires et d'aviation civile devront être levées.
La loi d'accélération a également introduit une planification ascendante : les communes sont chargées de définir des zones d'accélération pour les énergies renouvelables, dans lesquelles les procédures seront simplifiées, avec notamment une présomption d'intérêt public majeur pour les projets renouvelables. Ces zones doivent être définies d'ici à la fin de l'année. Des comités de projets sont prévus pour les parcs prévus en dehors de ces zones. Le texte prévoit par ailleurs un meilleur partage de la valeur avec les territoires, de façon à faciliter leur acceptabilité.
Un marché en attente
Reste que ces ambitions pourraient être freinées par un contexte international morose. L'accélération sur l'éolien est globale et se heurte actuellement à des tensions sur la chaîne d'approvisionnement et à une hausse des coûts des projets. Résultat : les investissements et les commandes ont baissé en 2022. Selon WindEurope, les coûts des éoliennes en mer auraient grimpé de 40 % en deux ans. Certains projets, en développement aux États-Unis et au Royaume-Uni, ont été interrompus pour ces raisons, souligne le cabinet Wood Mackenzie dans une étude récente.
Dans sa réforme du marché de l'électricité, l'Europe mise sur les contrats pour différence (CFD) et les contrats de gré à gré (PPA) pour soutenir les nouveaux investissements dans les renouvelables. Des mesures ont également été prises dans le cadre du plan pour une industrie neutre en carbone afin de soutenir la chaîne de valeur (aides d'État, simplifications réglementaires…). Cela suffira-t-il pour rassurer le marché ?